-J' ai oublié ma hache à la cabane de chasse, il faut que je la récupère. Ne vous inquiétez-pas ! Il n'y en a pas pour longtemps. C'est à côté.
Quand il a changé de route, le stress est arrivé d'un seul coup « Ne vous inquiétez-pas, je ne vais vous faire le coup de la panne » m'avait-il dit. Je me suis retournée et j'ai vu des rondins de bois dans le coffre. Il a dit qu'il était bûcheron. J'ai essayé de me convaincre. Bûcheron, du bois, une hache. J'ai regardé chaque détail de la voiture et ne me souviens de rien. J' ai pensé que je ne savais pas reconnaître les voitures, que je n' avais pas relevé le numéro de la plaque d'immatriculation. J' ai senti la peur augmenter et la terreur venir. J'ai dit que je voulais descendre. Il a accéléré, s'est tourné vers moi avec un grand sourire et m'a dit : n'ayez-pas peur ! Je n'ai pas une tête de violeur. Il avait de beaux yeux bleus, une barbe blonde et rase et la tête du Père Noël. Quand il a pris un petit chemin dans la forêt, j'ai senti la sueur goutter sur mon front et la glace m'envahir. J'étais gelée et pétrifiée. C'est là que j'ai compris je crois. Je ne voulais pas y croire mais mon corps savait. Je n'ai jamais eu aussi froid et n'ai jamais autant transpiré à la fois. C 'est ça l'effroi, je crois.
Il s'est arrêté vers une cabane et m'a dit : -Je vais voir si elle est ouverte. Je n'ai pas bougé, pétrifiée. J'ai pensé que nous étions seuls lui et moi, qu'il allait revenir avec la hache et m'amener dans la cabane ou peut-être que je faisais un cauchemar et qu'il allait me ramener, que tout se situait dans ma peur et mon imagination.
Quand il est revenu, il m'a dit, elle n'y est pas.Et maintenant, nous allons nous amuser un peu.
J' ai jailli de la voiture, lui ai fait face. Nous étions seuls lui et moi. Je lui ai dis que je devais seulement aller à Beaune, que je ne voulais pas d'histoire. La gifle est arrivée sans s'annoncer et je suis tombée sur sa voiture. J'y étais comme dans ces films d'horreur. J'ai entendu l'orage tonner.
Je ne sais plus dans quel ordre. Je n'avais qu'une idée en tête, lui résister et m'en sortir, lui résister même sans m'en sortir. C'est la colère, c'est la colère qui m'a fait résister. Je ne sais plus dans quel ordre. Il m'a dit qu'il allait me violer et me tuer. Je lui ai dis qu'il en allait en baver. J'ai reçu plusieurs claques qui me faisaient tomber à terre. Je n'avais qu'une idée, me relever et lui faire face, parler, lui dire qui il était, me défendre, ne pas mourir sans m'être défendue. J'ai pensé à l'histoire de la petite chèvre de Monsieur Seguin qui s'était battue toute la nuit. J'ai vécu mon enterrement, j'ai entendu des gens dire, elle étaient inconsciente, elle faisait trop confiance, elle cherchait les ennuis. J'ai vu le cimetière, des gens et ma tombe. Tout en lui faisant face . Ça ne durait que quelques secondes, une éternité. J'entendais le tonnerre. J'ai pensé à dieu. Je croyais encore. J'ai pensé que je ne méritais pas ça, qu'il allait être foudroyé. J'ai pensé que dieu était mort depuis longtemps, que nous étions seuls, lui et moi. Je ne sais plus dans quel ordre. Je n'avais qu'une idée, me relever et lui faire face. J'ai vu mon corps violé, saignant et coupé à coups de hache. Quelques secondes, une éternité. Je lui ai parlé, parlé. Je lui ai posé des questions. Avait-il une femme ? Des enfants ? De quel droit sa colère était-elle dirigée contre moi ? Des témoins m'avaient vu monter dans sa voiture. Mon père était officier de police.JE LE JURE ! Et n'aura de cesse de vous retrouver. Vous finirez votre vie en prison, c'est ça que vous voulez ? Je ne sais plus dans quel ordre. J'ai pensé courir dans le bois et ai eu peur qu'il m'y rattrape, m'y tue et m'y cache. Je sais pas combien de fois il a frappé, 3 fois ? 5 fois ? Une éternité. Je lui ai répété que je ne me laisserais pas faire et que je préférais la mort au viol. J'avais déjà été violée et n'en avais rien dit. Une fille seule ne sort pas ! J'entendais l'orage et ne voyais pas ni ne sentais la pluie. Je n'avais plus que mes mots. J'ai parlé, parlé.
Il m'a regardé et m'a dit fous le camp ! J'ai reculé et tenté de lire son numéro.Il s'est placé devant sa plaque. Il faisait nuit. je ne m'en étais pas rendue compte. Il m'a dit fous le camp ! J'ai dit je veux mon sac. Il a ouvert la portière, a jeté mon sac par-terre et a dit, le voilà ton sac de merde.
Il a fait le tour de sa voiture, a ouvert la portière, m'a dit : -AH ! Tu es une fille en or hein ! Il est monté et a démarré en trombe.
Il y avait de l'orage et il pleuvait averse. Je ne m'en étais pas rendue compte. J'ai pensé qu 'il pouvait changer d'avis et revenir pour me tuer. J'ai cherché un endroit où me cacher. J'ai pensé creuser un trou. Il pleuvait averse. Il pleuvait des cordes, des couteaux, des haches, des juifs, des esclaves, des cadavres. J' ai pensé qu'il fallait attendre. J'ai essayé de me mettre à l'abri et j'ai pleuré.
J'avais 19 ans dans les années 1980. Que m'ont dit les gendarmes à l'époque?
Des affaires comme ça, il y en a trop! ça ne sert à rien de porter plainte. On a trouvé une jeune fille de 15 ans tuée à coups de pierre dans le même coin.
J'ai sonné une fois à la police, me sentant menacée et qu'ai-je entendu?
-Rentrez chez vous madame.
Quand au psychanalyste qu'on m'a fait voir jeune, il trônait sur un fauteuil juché sur une estrade et a aucun moment ne m'a reconnue comme victime. IL n'en a rien dit et selon moi, aurait du en dire quelque-chose.