Écrire me fera mourir mais mûrir
Lire et écrire nous apprendront à mourir
Mais à vivre aussi
J' en ais plein le dos
La nuque et les bras
J'en ais tantôt
Dans une felouque
Au bout d'un raz de marée
J'en ais qui sortent des oreilles
Du ventre de mon chat
J'en ais qui naviguent au gré des vents
Qui tapinent sans savoir faire autrement
J'en ais
Cachés dessous les ronces
Dissimulés dans les fronces de mes incertitudes
D'autres qui jaillissent
Comme des drapeaux, des mats, des oripeaux
D'autres qui soupirent et gémissent
Tant qui souffrent ou s'émerveillent
ça fait peur ou ça rend heureux
ça ne sert à rien ça rend moins peureux
la peur de m'en retordre le cou
de ne pas savoir arrêter
de ne pas savoir les exploiter
de les écrire de ne pouvoir les dire
de n'en faire rien qu'un peu de survie
J'en ais
cachés sous une pierre-ponce
au bord d'un ruisseau
alimentés par un moulin de larmes
grandis sous la taille d'un couteau
arrondis par un burin de paille
d'autres qui rougissent
quand mon corps s'en dénude
ceux qui croupissent dans des marécages
ceux qui trépignent enfermés dans leurs cages
toux ceux qui font des fautes
et toussent mal digérés
les mal entrés les de travers
les maladroits les trop pressés
ceux qui dévorent mes doigts
j'en ais des avalanches et des tempêtes
des barques timides et du salpêtre
des bouquets odorants mais des colères
des feux d'artifices de petites guerres
j'en ais
qui collent au doigt et au palais
dissimulés sous des croûtes des voûtes des poutres
éclaboussés de sang ou de tendresse
j'en ais tellement que je n'ai jamais bien su quoi en faire
Je croyais qu'il fallait les dompter les corriger et les punir
Alors qu'il suffit peut-être de les partager pour enfin les aimer un peu les mots