Sous le pont de Beaugency
Qui peut savoir où les mots nous mènent
Sur le devant d'une scène
Lovée dans son livre
Au bout d'une rengaine
Claudicante et ivre
Pendu à l'alphabet
Comme un enfant et son jouet
Oubliant ses chagrins
Adulte ses douleurs
Qui peut savoir où les mots nous mènent
Que des vils ont trouvé sots
Quand il s'agit d'exprimer
Ses forces et ses faiblesses
Une cruauté ou bien une liesse
Quand il s'agit de briser ses chaines
De mordre la main de son bourreau
De se redresser sans haine
Pour retrouver quelque-chose de beau
Qui peut savoir où les mots nous mènent
Qu'on emprunte aux poètes
Pour s'y reconnaître
En gratter la couche de salpêtre
Les adoucir d'un coup de pierre ponce
S'extirper d'un bouquet de ronces
Qui peut savoir où les mots nous mènent
Quand le soleil jaillit
Du ciel et de son épais manteau
Quand des gens crient
Qu'eux aussi ont le droit de vivre
Quand la terre s'enlaidit
Sous des pluies d'argent
Affamant les peuples
Et leurs enfants
Qui peut savoir où les mots nous mènent
Quand les vils construisent des murs
De nouveaux baraquements
Quand on pointe du doigt le pauvre
Qu'on laisse mourir le migrant
Qui peut savoir où me mèneront mes mots
Enfermée dans un livre
Dans un champ de coquelicots
A l'orée d'une forêt épaisse
Sur la branche d'un bouleau
C'est quand le mot s'écoule
Qu'il devient de l'air