Il m’arrive de préparer ma mort
comme si j’avais déjà l’âge de mes ex- usagers
me vois vieille et usée
souffreteuse
paralysée dans un fauteuil
abandonnée de tous
une aide -à- domicile
dont je ne voudrais pas
et puis j’en ris
Je ne serais pas cette femme- là !
Personne ne m’a abandonnée
C’est toujours moi qui part
J’ai tant à faire
même sans travail
C’est moi qui refuse des amitiés envahissantes
ou opportunistes
C’est moi qui décide
qui je veux voir
qui je bannis
C’ est moi qui marche
Je préfère seule
pour marcher à mon pas
Je préfère seule
Vous, vous aimez bavardez
moi par intermittence
C’est la nature qui me parle
ou bien la ville
Je m’arrête pourtant
dis bonjour, bonjour
Quel temps magnifique n’est-ce pas ?
Il fait si bon se reposer à la fraicheur
Vous m’avez l’air bien seule
Faisons un brin de causette
Pas trop longtemps
Il me faut voir plus loin
suivre ce qui m’est inconnu
ce que je ne voyais plus
ce que je n’ai jamais voulu voir
Il y a tout ce vacarme
Vous n’entendez- pas ?
Il diffère d’un quartier à l’autre
Ici n’est pas si calme que ça
On entend l’autoroute
et la démarche lente des écrevisses
Il y a tous ces gens seuls
qui espèrent l’amour
ou un plan cul
Tous ces vieux qui promènent leurs clébards
et leur solitude
Ces vieux couples
faisant leur petit tour
Ces femmes et hommes
seuls ou en groupe
qui courent
Tous ces sportifs amateurs
Beaucoup d’hommes à vélo
de femmes seules marchant
portant un sac-à-dos
comme moi
un sac avec au moins une petite bouteille d’eau
un portable
un appareil photo
parfois un carnet et un crayon
une petite trousse de secours
On dirait même qu’il y a quelques gigolos
assis sur des bancs
repérant les femmes seules
et bien fardées
ou les joyeuses
et des dragueurs et des dragueuses
En bord de Vienne ou de l’ Auzette
au bord de l’ eau
ne détonnent pas
Il fait chaud si chaud
que même la Vienne
a des vapeurs !
J’ai mal partout
alors je prends la côte
mais doucement
Après un café
une menthe à l’eau
une bière
un Monaco
Ça dépend de l’heure
de mes envies
J’ai eu peur
quand il était si tôt
et que j’étais presque seule
juste peur sous les tunnels
ai hurlé
comme les louves
juste pour en rire
puis imité la chouette
écouté son écho
n’ai pas trouver où me baigner
me suis pourtant vue
vieille sirène pataugeant dans l’écluse
se laisser emporter par le courant
pas par la mode
pas pour en mourir
mieux nager
alléger ce corps endolori
y perdre un bras
des cervicales
le bas du dos
ne pas y perdre mon latin
c’est fait depuis longtemps
y trouver de l’ énergie
c’est ça
rafraichir ma mémoire
c’était trop
trop au centre de la Vienne
je voulais une petite crique
étais déjà prise
par une famille endimanchée
qui gavait les canards
J’ai fini sur le pont Saint Martial
Y ai vu 3 missionnaires
2 femmes mures et une jeunette
ai lu sur un grand panneau
ne me souviens plus
peut-être
"Dieu vous veut du bien"
une connerie du genre
J’ai dit :
« Ecartez-vous ! je suis le diable et une sorcière, j’ai jeté dieu dans les oubliettes, ça fait longtemps qu’il n’en crie plus »
Ça ne les a pas fait rire
J'ai plaint la jeunette
Après j’ai chanté :
" J’ aurais du jeter les bigotes dans la Vienne "
Elles ont entendu
Ça m’a fait rire
et je me suis reconnue...
Je voulais en faire un poème
Pourquoi faire ?
en écrirai d'autres.