Ecrire?

Mes mots, sont-ils les miens? D'où viennent-ils? Qui sont-ils qui m'assiègent et ne me laissent point tranquille? Qui sont-ils pour me tuer, et soudain, me ranimer? Que veulent-ils? ma peau, ma vie, leurs trésors ou leurs dérisoires? Un peu d'or en mon front? Que tu dormes en mon giron ou que tu me souris, même si j'y prend un peu de ta vie? Un peu de fierté à mes hontes? Assassiner toutes mes culpabilités?

La gloire? Je me fous de ma gloire. Jamais, je n'écrirai aucun grimoire, ne créerai aucune armoire littéraire, sinon des meubles pour les autres. Il est trop tard pour que j'écrive, mais qu'importe! je n'ai pas voulu devenir écrivain, jamais, juste écrire un livre, ou deux, ou trois, qui sait? Si l'écriture me contamine. L'écriture est-elle une maladie? une vile manie? Une manivelle aux musiques faussées de mon âme? Une éprouvette ou condenser les folies et les jolis d'une femme? Tiens? Suis-je devenue une femme? Quand et pourquoi, et comment? Me sentirai-je vraiment femme quand j'aurai écrit?

Et si je voulais simplement me prouver que j'en étais capable? Ecrire un livre? Ecrit- on un livre ou est-ce lui qui finit par nous écrire? Peut-être aurai - je confiance en moi véritablement quand j'aurais réalisé ce rêve enfantin. L'écriture est-elle une activité infantile? Pourquoi mon rire se perd- il dans un vide immense quand l'existence m'empêche de tracer des mots, des signes sur du papier? Comment concilier l'écriture et une vie normale? Ne pas culpabiliser avec ce besoin de remplir du vide, du blanc, les blancs d'une existence? Ecrire mais aimer, écrire mais ne pas oublier, écrire mais vivre, écrire pour ne plus pleurer, écrire pour se consoler, mais consoler les autres. L'écriture ne sert-elle qu'à consoler un chagrin, une souffrance dont on ne guérit pas? Et si je refusais de m'en consoler... pour écrire.

Tout ça est bien nouveau pour moi. Non! ce qui est nouveau, c'est de me dire, cesse! Non pas cesse d'écrire, cesse de te donner des raisons de ne pas écrire. Cesse! Cesse d'écrire fesses au lieu de cesse. Ecris fesses quand tu parles de fesses, et écris puisque tu veux écrire. Mais écrire quoi? j'ai un roman et deux contes à finir. Il fallait que je termine mes ateliers d'écriture au préalable, savoir si ce que j'écrivais avait un écho, une vitalité, un sens, un rythme, une musique. Comment savoir quand on s'est enfermée dans une armure de nullité et d'insignifiance? Comment savoir quand on se juge inapte d'avance? Comment faire vivre une écriture quand l'on se croit morte, au fond, tout- au- fond de soi?

Cesser de se poser des questions, de trouver des prétextes. Se jeter sur une feuille, un calepin, arracher un monceau de carrés blancs du bloc- note de la vieille que j'accompagne dans son ascension vers la mort et écrire tandis qu'elle dort, qu'elle meurt déjà? Me cacher dans un café pour noircir, seulement pour ça, noircir, remplir, imaginer, créer de l'écriture. Est-ce qu'on crée de l'écriture ou est-ce l'écriture qui me rend vivante?

Vivante, laisse-moi me sentir vivante. ça ne te tuera pas si j'y mets mes sourires aussi, ceux que je te dédie...