Je suis allée loin
Très loin dans un tout petit jardin
M’y suis cachée du monde
Et de moi-même
Absente aux autres
Pas des informations
Ni des guerres
Ou des épouvantes
Je suis allée loin
Très loin au plus profond de mes muscles
Pour les rassembler
Y entendre des chants joyeux
Seuls les herbes même mauvaises
Les fleurs les insectes les feuilles
Me redonnaient ma consistance
Personne ne saura jusqu’où je suis allée
Jusqu’ou je me suis barricadée
Dans un espace connu de moi-seule
J’y découpais les fils de mon histoire
Avec des bras trop maigres
Un sécateur usé
J’y ai coupé du bois
Martelé un nouveau sens
À l’écriture
J’y ai fait brûlé des mots
Des menaces et des ombres
J’y ai retrouvé de l’air
Du soleil et bien des forces
Qui me manquaient
Il y a ceux qui en jugent
Aurais-je du m’abrutir
Avec vos cachets dangereux
J’ai suivi la voie qui m’allait
Et de l’aurore à la pénombre
Retrouvé joies et sourire
Et j’ai marché
Me suis redressée peu à peu
Puis j’ai demandé à faire
Des exercices
De ceux qu’il faut répéter
Qui deviennent une habitude
Une hygiène de vie
Sans lesquelles le corps ploie
J’ai appris à gérer mes douleurs
À accepter ma fragilité nouvelle
J’ai vu des amis
Mes enfants
Je n’ai pas perdu la mémoire
Je me souviens de tout
Je me souviens de vous
De chaque mot fait pour blesser
De ceux faits pour taire
D’une langue stupide
De clous dans les sabots
D’insultes répétées
De vieux quasi-abandonnés
D’autres froids et secs
Comme des gourdins mal-employés
De leurs enfants impitoyables
De pressions insupportables
Je me souviens de tout
De vieux bons et courageux
D’humains à l’agonie
D’autres enfants meurtris
De confidences
De musique de nouveaux entrains
Je me souviens de tout
Je suis la même et une autre à la fois
Plus fragile et plus forte
Comme après chaque choc
Que m’importe ce que deviennent les bourreaux
Les indifférents
Les moqueurs
Je n’ai perdu aucune feuille
Aucun mot important
Aucun plaisir
Aucun rire à mes lèvres
Aucune joie
Aucun élan
Ils reviennent comme des boommerangs
Sans violence ni tapage
Ils reviennent hanter toutes mes pages
Ils reviennent comme autant de personnages
Ils joueront la comédie
Ils seront sincères ou débiles
Ils dépouilleront ou seront dépouillés
Finiront pauvres ou riches
Riches de sentiments
Je n’ai que faire de vos fortunes
De vos mauvaises fois
De vos calculs
Et s’ils restaient cachés
Seront toujours ceux qui m’animent
C’est ce qui me sauve et me fait vivre
Observer le grand chaos du monde
Et ce qui l’entraîne
Le grand chaos
Mais aussi la puissance des rêves
C’est là que je trouve mon équilibre
Entre vos faiblesses et les miennes
Entre vos élans et les miens
Je suis allée loin
En bougeant à peine
Je savais d’où je venais
Je savais qui j’étais
Je sais vers où je veux aller
Et quand je prenais ce chemin ou un autre
C'était pour m'éloigner de vous
Trouver une voie sans l'asphyxie