Je ne me plains pas, je raconte.
C'est quand le nerf se coince ou je ne sais pas quoi, qui va du cou à l'épaule. ça m'arrive une fois par mois, de me tordre de douleur dans la rue, d'avoir du mal à marcher et de pleurer. Je ne suis pas triste du tout, c'est la douleur, ça coule tout seul. Et je me dis : "je rentrerai quand-même et toute seule et à pied". Je ne sais pas si c'est très malin mais dans le bus, c'est pire, et au moins, je respire. Chez moi, je me couche, c'est plus facile. Je me tords de douleur donc et marche de traviole. Mes jambes refusent d'avancer et je bascule. C'est la douleur, seulement la douleur. ça tanne !
J'ai beau me dire que je n'y peux rien, j'ai honte. Je me cache si je peux, je m'adosse aux murs. Je voudrais faire semblant de rien, ah ah, ah, passer inaperçue et surtout ne rien inspirer du tout.
Bon, la lamaline m'empêchant de dormir. je prends un demi-acupan. Un entier et je me sens mal et je deviens pâle comme une feuille blanche et je vomis. ça réussit à d'autres, je ne veux pas faire de mauvaise pub.
Je ne fume pas le pétard mais si j'en avais un, là, de suite je le fumerai tout entier.
NON ! je ne suis pas douillette. C'est juste que ça fait fouchtrement mal, à ne plus pouvoir marcher.
Je sens venir et je me dis : ça va passer! tout est dans le mental ! et ça empire.
ça vous arrive ? Ah... ça ne me console pas tellement.
Après, j'ai de bonnes jambes et de bonnes cordes vocales. ça compense. Tous les handicapés compensent !
Question moral, il y a diverses façons de compenser ( la légère, le grincheux, le joyeux, la colérique, celui qui en enlève, celui qui en rajoute, celui qui n'avouera jamais, celui qui se plaint tout le temps, celui qui s'accuse, celui qui accuse les autres, celui qui accuse le hasard, celui qui accuse tout le monde, celui qui n'accuse personne. Celui qui picole, celui qui fume des pétards, celui qui fait du sport, celui qui fait tout à la fois, celui qui déprime, celui qui crie, celui qui n'en parle pas, celui qui en parle toujours, celui qui se shoote aux cachets, ceux qui les refusent, ceux qui, comme moi, les testent prudemment... )
Bref, je préfère l'écrire plutôt que d'en parler. J'éviterai le sujet car "ça la fout mal". Je passerai pour une faible qui se plaint toujours. Évidemment, comparé à Rambo ou à Schwartaliénégor, un nom comme ça...
Ce n'est pas à la mode de parler du corps, de la douleur, de la maladie, de la mort. Plus j'écris dessus et mieux je vais personnellement. Vous devriez essayer... Ou vous mettre à la poésie.
Quand on souffre sinon, vous avez remarqué ? on prend 10 ans d'un coup ! Tous les traits se tirent, c'est terrible...
Ménagez-vous ! et le plus tôt sera le mieux.
Pas toujours facile non plus, ça dépend du travail aussi n'est-ce pas ? Du travail et des pressions parfois, du harcèlement...
C'est à la mode le harcèlement moral mais ça existe ! je l'ai connu surtout dans l'aide à domicile en fait. Le harcèlement physique aussi d'ailleurs. C'est beaucoup plus courant que ce vous devez en penser, à la fois par des supérieurs et par des usagers, beaucoup trop fréquemment selon moi dans un monde qui se dit civilisé. Une question de mépris de classe, de mépris tout court, et parfois de cruauté. Si j'étais méchante aussi, j'écrirai la liste de tout ceux qui m'ont harcelée dans l'aide à domicile. Je les connais tous et, si j'ai oublié jusqu'à leurs noms (mon inconscient salvateur sans doute), j'ai leurs noms sur mes cahiers. Je leur donnais des surnoms sans majuscules : "cruella, vieille taupe, sadique, tyrannosaure, nazillonne, bourrelle idiote, esclavagiste arriérée", radicale sans culture, etc. ça m'aidait à tenir le coup mais pas trop mon cou.
J'ai aimé aider les autres, ceux qui nous font tenir, les gentils, les généreux, les solidaires, les accueillants, tout ceux qui nous respectaient et respectaient l'aide que nous leur apportions, et grâce à qui, nous ne désespérons pas des humains.
J'ai écrit tout ça sur des réseaux, en long, en large et en travers. Les pressions, les chantages, les journées de 12 à 14 h de travail, trajets compris, sans pauses ni repas, à travailler, trimer, porter, soulever, les insultes, les humiliations, les punitions, les clous dans les chaussures, le chien enragé que sa maîtresse enragée place derrière les carreaux tandis que vous les nettoyez, les langues sorties trop nombreuses, les claques, les arnaques, les propositions de travail au noir, les renvois sans papiers, ni indemnités, quand vous avez tout nettoyé, ceux qui vous harcèlent sans relâche pour vous faire trimer au lieu de travailler, les empoisonnements volontaires à l'ammoniaque... Sans dates, sans noms, sans lieux, je ne suis pas folle non plus...
Mon but n'est pas de vous détourner de l'aide à domicile. Bien sûr qu'il y en a besoin ! Ce sont les conditions de travail qu'il faut changer et c'est urgent.
Bien des femmes y travaillent uniquement pour survivre et y laissent leur santé, c'est ça la vérité. Après, les esclavagistes s'en foutent, évidemment.
Du mal à tourner les pages mais ça vient...
Quand à la "ouature" que vous êtes si nombreux à me conseiller, j'en achèterai une si je peux et quand j'aurai du travail, peut-être. Conduire m'est devenu difficile, je tiens 30 mn, guère plus. Il va falloir cesser d'insister. Merci. Je me connais mieux que vous. Et ça revient cher, "une ouature". La dernière que j'ai eue, je l'ai usée pour les autres et y fus de ma poche. (Dans l'aide à domicile). Sans voiture, je me nourris mieux, je m'achète des vêtements. Je vais au cinéma...