Elles rejoignirent un chemin et marchèrent en silence quand des bruits de frottement sur le sol, de craquements de branches et de froissements de feuilles, sur leur droite, les firent sursauter.
- C’est quelque chose qui rampe, dit Nymphéa à voix basse.
- Et qui est pressé, ajouta Opale.
- Et qui siffle en même temps.
- Oui mais d'un drôle de sifflement.
- Comme un serpent mais un serpent qui aurait un cheveu sur la langue.
- Oui, comme un énorme serpent, alors.
- Et j’ai horreur des serpents, gémit Opale, si on se cachait !
- Trop tard, murmura Nymphéa.
La tête gigantesque d’un serpent fabuleux, d’un noir bleuté tacheté de jaune, avait jailli de la forêt et se dressait au dessus d’un bouquet de hautes fougères. Deux grands yeux luisants, ronds et rouges, les fixaient.
- Heu... Serpentine, je suppose, dit Nymphéa. Nous sommes ravies de faire votre connaissance.
- Vraiment enchantées, oui, ajouta Opale, prête à tourner de l’œil.
Le monstre s’avança et barra le chemin en ondulant et en sifflant de colère, découvrant un corps vert aux taches jaunes qui semblait interminable.
- Qui oze ze mettre en travers de mon parcours et zêner mon entraînement ?
- Elle zozote, chuchota Nymphéa.
- Qu’elle aille zozoter ailleurs, répondit Opale avec une grimace de dégoût.
- Alors ? z’attends...
- Nous sommes des amies de Saperlipopette et nous enquêtons sur cette forêt, répondit Nymphéa, une main dans la poche, prête à sortir le livre de magie pour les nuls.
- Des zournaliztes en quelque zorte ?
- Oui ! C’est ça. Des zourna, enfin, c’est bien ça.
- Très interézzant pour ma carrière. Zaperlipopette ne m’a pas parlé de vous. Il doit avoir zes raizons. Ze vous laizze pazzer zi vous répondez à l’énigme zuivante :
- Quand il fait beau, z’ouvre mes fenêtres, quand il fait laid, ze les referme, qui zuis-ze ?
- J’espère qu’on a un peu de temps pour réfléchir, grogna Opale. Je n’ai pas envie de servir de repas à un serpent.
- Vous z’avez, vous z’avez. Ze suis une couleuvre verte et zaune qui a grandi un peu trop vite mais ze zuis très paziente.
- Tu as une idée toi ? demanda Opale à sa sœur.
- Pas vraiment. Une maison ne ferme pas ses fenêtres toute seule. C’est quelque chose qui fonctionne avec la météo, mais quoi ?
Opale qui n’avait jamais eu beaucoup de patience, donna un coup de pied dans une pomme de pin et en suivit la trajectoire. Et alors, ça fit tilt dans sa tête. Le yéti lui avait expliqué qu’une pomme de pin servait de baromètre. Mais bien sûr !
- Une pomme de pin ! s’écria Opale. Les écailles s’ouvrent à la chaleur.
- Bravo ! Z’est gagné, dit Serpentine. Ze vous laize pazzer. Ze vais continuer mon entraînement.
- A quoi vous entraînez-vous ? Interrogea Nymphéa.
- Ze veux gagner un zampionnat de roller, répondit- elle.
- Mais vous n’avez pas de pattes ! s’exclama Nymphéa.
- Ze ne zuis pas aveugle. Un zour, z’en aurai. En attendant, ze m’entraîne à glizzer le plus vite pozzible et ze fais de l’enduranze. Ze pourrais avoir bezoin de vous pour couvrir mes ezploits.
- Vous pouvez compter sur nous, dit Opale. Au revoir ! À la prochaine ! On ne vous retient pas ! Ne cassez pas votre rythme surtout !
- Zoyez prudentes petites z'humaines et faîtes zattention aux zorziers. Dans le Limouzin, ils zont nombreux.
Et Serpentine fila en sifflant à une vitesse impressionnante et leur cria :
- Nous nous reverrons, petites z' humaines.
- Tu aurais pu être polie avec elle, fit remarquer Nymphéa...