Les beaux masques, ou la jeune névrosée.
J'aime collectionner les masques hilarants,
Me promener, discrète, oubliant la poisse,
Et revêtir, muette, celui de l'angoisse.
J'aime à raser les murs en paradant.
Je surveille du coin de l'oeil et rapetisse.
Je deviens actrice inconnue et m'applaudis.
Je susurre devant les seuils et reste lisse.
J'ai peur des yeux qui me voient nue de leurs taudis.
J'ai peur des hommes et de leur bel appétence.
J'ai peur des ogres et de leurs membres immenses,
Peur qu'ils m'ingèrent, me digèrent dans leur panse,
Qu'ils me grignotent sans m'avoir laissée ma chance.
Le psychologue appelle ça une névrose,
Je ne sais pas pourquoi, ça m'a rendu morose.
Sigmund Freud est d'accord avec ce diagnostique.
Il n'a jamais connu d'être machiavélique.
Des hommes ont aussi la même peur que moi.
Ils sont effrayés par la femme castratrice.
J'ai refusé de travailler sur mon surmoi.
Sur moi m'est terreur, sur moi veut monter le vice.
Chez moi, j'ai toute une collection de beaux masques.
Sur moi, il n'y a que des erreurs, des frasques,
En moi, il n'y a qu'absences ou bien horreurs.
Hors de moi, il y a moi, hors de moi, en pleurs.
je suis malade du désir inassouvi
Des hommes en rut et des hommes en rupture,
De leur âme et de leurs yeux qui me ligaturent,
De leurs viles envies qui m'enlèvent de ma vie.
J'ai parlé franchement à mon psychanalyste:
"Soignez des hommes, les femmes seraient moins tristes"
Il m'a regardé dans les yeux et m'a souri,
Et il m'a dit: "ça y est! vous êtes guérie!"
Et je me suis dit: "Quel salaud! S'il me l'avait dit plus tôt, j'aurais dépensé moins de fric!"