J'ai laissé mon roman en rade
J'ai ajouté quelques chapitres
J'ai commencé à retrancher
Je vais m'y remettre bientôt
ça ira vite
Plus vite que son délaissement
Plus vite que ma tristesse
Plus vite que vos silences
ça ira vite
Je suis très vieille ce soir
Mais je rajeunis
Je suis très laide parfois
Une caricature
Mais je me déride
Je répond toujours à mes amis
Il y a ceux qui ne répondent pas
Et ça m'énerve
Il y a des libéraux de droite qui se croient drôles
Qui me trouvent drôle
Qui m'invitent sur facebook
Ils changent d'avis quand ils lisent mon coeur à gauche
"Comme tout être normalement constitué"
Je le précise
C'est de l'humour
ça ne les fait pas rire
Tant pis!
Temps mieux!
Je n'écrirai que pour moi
Je ne vous crois pas
Mes clés n'ouvriraient que mes propres portes
Je n'y crois pas non plus
Et n'y croirai jamais
Voyez comme le monde nous fuit
Dès que nous disons le viol
L'écriture accroît la solitude
La critique
La rumeur
Les humeurs mauvaises
La gêne
La jalousie parfois
La rancune
Il faut en passer par là
Elle crée de nouveaux liens
Des liens étranges parfois
Et de jolis noeuds
Est-ce le regard des autres qui changent
Ou l'écriture me métamorphose- t'elle?
Je suis toujours la même
Mais je défripe mes ailes
Je les lisse du bout de ma langue
J'ai le gosier sec
Et ma vue qui se dilate
Je vois des paysages- kaléïdoscope
Des gens qui s'agitent dans des cellules
Comme des abeilles dans leur ruche
Ma poésie est trop bavarde
Mais c'est la mienne
Ma poésie fait ce qu'elle peut
Et ce qu'elle a envie
Ai-je rêvé d'écrire un beau sonnet?
Je n'en suis plus si sûre
Si je voulais, j'écrirai ainsi des pages
Toute la nuit
Pour ne rien dire peut-être
Que vous parler de la vie
Mon avatar reste jalouse
Et se prive de bien des joies
Et de caresses
Kaolin, le chat blanc est indépendant
Opportuniste
Et fidèle
Caféïne, le nouveau pot de colle
Ne nous lâche pas d'une semelle
Il en est ainsi des chats
Et des gens
Je n'ai rien à dire
Et ce rien à vous dire
Il m'arrive d'avoir le corps rempli de larmes
Et il n'en tombe pas une goutte
Elles se dessèchent à l'intérieur
J'ai parcouru rapidement le quai de Ouistreham
de Florence Aubenas
De futurs employeurs me l'ont prêté
Pas trop l'envie d'y apercevoir mon reflet
Pas trop l'envie de lire ce que je sais déjà
Pas trop l'envie de remuer mes dernières humiliations
Et de me souvenir des entreprises par intérim
Comment ça casse les gens
Comment ça les suce
Comment ça les use
Il y a toujours l'endroit et l'envers
Les revers
J'ai été commerçante
Guide de touriste
Animatrice
J'ai guidé, conseillé, informé
Puis obéi
Je ne me suis jamais tu pourtant
Vraiment
J'encaisse
Pas longtemps
Puis j'explose
Comme une bombe à retardement
J'encaisse de moins- en- moins
ça vient vite l'arthrose
Dans certains métiers
Et la nausée
ça vient vite la ptose
Chez certains laitiers
Et l'encorné
Ne parlez- pas des chômeurs
Si vous n'avez jamais chômé
Ne parlez- pas des gitans
Si vous n'en avez jamais fréquentés
Je ne détiens pas la vérité
Mais vous moins que les autres
Ne parlez- pas des paysans
Ni des gens d'en bas
Ni de ceux des cités
Vous en savez si peu!
Vous les voyez comme une masse informe et grouillante
Inculte et terrifiante
ça nous fait rire
Mais surtout pleurer
Ils connaissent tant de choses que vous avez oubliées
Nous n'envions pas vos richesses, non, ni vos coeurs cupides et froids
Nous vous regardons, atterrés, nous mener à l'abattoir...