Ne meurs pas,
Fillette aux rêves roux
Des feuilles mortes.
Le renard s'en est allé,
Et les pics s'en sont hérissés
De plumes noires.
Le vieux chêne est fatigué,
Et s'est dénudé
De morceaux de toi.
Il fait encore bon
Dans les chemins creux,
Ceux qui s'ouvrent
Sur les trêves soyeuses.
Ne meurs pas,
Fillette aux rêves roux.
Tous les chemins de traverse
Mènent à l'arbre caressant.
Le poète les a empruntés
Bien avant toi, souvent,
Et en a recueilli
Toutes les rosées des bois.
Le grand hêtre s'est élevé
Plus haut,
Jusqu'aux cimes
De ta foi.
Il fait encore doux
Dans les clairières,
Celles qui étincellent
Jusqu'aux canopées
D'une seule voix.
Ne meurs pas,
L'enfance
A la plume de soie.
Soigne ton rhume,
Et souris-moi.
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Pendant un entraînement de guitare de l'une de mes filles,
Rebelle, pas belle et si belle,
Perdue volontaire dans le labyrinthe de ma conscience,
Je chemine sans peur,
Je m'écarte d'une route rectiligne et sans surprises,
Ne pas réfléchir, j'écris.
Avancer, toujours avancer jusqu'à la mort, oui, mais je n'ai plus peur, je n'ai plus peur, je vous dis, et je n'ai aucun orgueil. Et les dieux sont morts et enterrés, et je n'ai plus peur, simplement plus de coeur à l'ouvrage. Mes filles, il faut que j'arrive à vous transmettre cela, plus peur, plus peur et danser, chanter, se mouvoir, voyager, influer et respirer sans s'essoufler. Gratte ma fille, joue mais joue encore. Fâche-toi, ne te laisse pas faire, écarte-moi quand je te gêne, quand je sans-gêne, quand je te haine. Joue plus fort, tu joues bien alors que tu n'y crois pas. Tu as progressé et tu t'accroches. Accroche-toi comme je l'ai toujours fait. Qu'importe mon métier, qu'importent mes infortunes et mon manque de fortune. Au fond, je n'ai jamais rien fait pour chercher à m'enrichir. De quoi survivre, de quoi manger, de quoi s'éloigner pour découvrir encore, de quoi acheter un livre, de quoi rêver, de quoi vous nourrir. De quoi vous nourrir, mes filles? sinon d'amour et d'amitiés, sinon de vies joyeuses et de rires, de sons lumineux , de sourires, de tendresses et de billevesées, de rêves et d'art, de fantaisie, de courage et de spontanéité, de franchise, de l'air du vent et de vos talents, de vos richesses intérieures, de l'aile d'un engoulevent, du frais de la neige et du beau du printemps, et tant pis! tant pis pour les corbeaux! et tant pis, tant pis pour les croques- morts déjà morts.
Joue! ma fille, oh! oui, joue, et toi, danse! oh! oui, danse, et fichez-vous des jugements faux, des tribunaux, des pitres faux, de leurs caveaux, du quand- dira- t'on, des avis de vos voisins, des censures et du maintien, des critiques et des pèlerins. On m'a presque tuée avec tout ça. Vous n'avez qu'une vie, servez-vous en bien.
Et gratte, et claque, et joue, et danse, et rêve, et vis.
Joue plus fort si tu veux! Joue encore, et crie, écris avec ta guitare tout ce que tu ne peux dire, tout ce que tu espères, tout ce en quoi tu crois, tout ce qui t'inquiète, tout ce dont tu rêves, tout ce qui te chagrine, tout ce qui t'enlumine.
Et gratte, et claque, et joue,
Et toi qui danse, toi qui pense aussi, toi qui penche et te dépense,
Danse, et chante, vis et rêve aussi!
Et danse, et vire, et vole, vire- volt et envole-toi sur la traîne de tes rêves et de tes voyages...
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Mes filles,
Mes filles s’effilent en cils,
En sol, en folles,
En folles de vie,
Envie d’envol,
Vire- voltent,
Rêvent volts,
Belles îles.
Mes filles s’accrochent,
S'écorchent,
Au bord, en corps,
Encore en conflit,
Confit de torts,
Fi! Tortue!
Torts tués!
Terres friches.
Mes filles se fâchent, se fichent,
En force, amorcent,
En morse s’efforcent,
S’en moquent, me choquent,
Sont chics, sont chocs,
Corso,
Corsages fleuris .
Mes filles, mes fioles,
Mes feux follets,
M’épuisent, mes « pioles »,
Mes cieux violets,
M’enduisent, m’étiolent,
Cabris au lait,
M’séduisent, s’étoilent,
Nos rires si gais…
A mes filles que j'aime mal; comme toutes les mères, mais que j'aime avec conviction.
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Voyage à la source
L'horizon a migré bleu dans mes voeux
Et les toits des villages ont souri
De leurs longues bouches charnues et rouges.
Les champs de colza se sont mordorés
Du morcellement roux de ma conscience.
Exhibant ses courbes sinueuses,
La Cuesta s'est avancée, bienveillante,
Défilant son chapelet clairsemé
D'édifices romans et solitaires,
Et devant, les monts doux de Gargantua
Me creuseront les joues de leurs rondeurs.
La fière colline du Mont Lassois
Répandra ses légendes d'autrefois,
Et la princesse de Vix et son vase
Hanteront mon voyage et ma mémoire.
Les prés colorés tisseront la trame
Des tableaux, de la soie de mon enfance.
Le renard, l'épervier et l'hirondelle
Me chanteront le corps et la vie pleine,
Et des poissons d'argent ou bien d'avril,
Et des amis d'antan sur même fil,
Se reflèteront dans l'étang tranquille
De mes pupilles gaies et juvéniles.
Tiens! ça rime.
J'irai dire à la mère que je l'aime,
Que les larmes retournent au ruisseau,
Et qu'un peu plus haut, il fait toujours beau
Quand on a toujours le coeur dans les poches,
Si l'on aime encore user ses galoches.
Elle me dira comme d'habitude:
Tu écris bien mais tellement étrange!
Et nous rirons de la lèvre de l'ange,
Et le soir, elle oubliera ses douleurs,
Sûre de l'amour de tous ses enfants
Mais de celle qui adopta la lune...
A ma mère, à qui j'ai tout pardonné depuis que j'ai...des filles.
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Le ciel est aux martinets,
Dans le ciel, il n'y a rien, mes filles,
Rien que le fiel qui passe,
Puis le soleil,
Rien qu'un sol d'air infini,
Un sol qui jaillit,
Les clefs des chants.
C'est pour cela qu'il faut aimer, mes filles,
Jusqu'aux tempêtes qui couchent
Les arbres d'un coup de pied,
Jusqu'aux tendresses qui nous lézardent
Nos peaux de blés.
Dans le ciel, il y a nos rêves
Endormis sur un nuage,
Puis nos rires et craies
Sur les queues des comètes,
Nos joies qui s'affichent
Sur le dos d'un arc-en-ciel.
Et dans le ciel,
Nos chagrins tournent
Aux danses des martinets.
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A l' anglaise rousse,
Givre ou chanvre, alarme ou larmes.
Qui rit en baie et pleure en terre?
Qui vit en mai et meurt en vrai?
Qui vague de tresses en trop?
Jolie marchande d'allumettes,
L'Anglaise brûle sa jeunesse
A coups de flammes, de pipeaux,
Et sur ses marnes, oripeaux.
Ivre et lente, camée si belle,
Et vit dans l'air en fleur de l'eau.
Rire et pentes, lamée rebelle,
Et plisse en neige, au caniveau.
Ne perds donc pas ton amulette!
La glaise bulle sur ta tendresse
Aux coups des armes, des tripots,
Et sur tes charmes, trips trop hauts.
Sous des arbres secs, un abricot.
Abrite-toi, fruit beau,
Sous une ombelle de raison douce.
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je sais tes blessures,
Je sais tes blessures
Qui jamais ne se ferment,
J'entends tes murmures
Qui enlacent nos dermes.
je sais ton corps- prison,
Les maux que tu t'infliges.
Et si tu y croyais...
L'aval ainsi se fige.
Mais l'amont!
Tes rêves à la source,
Ecoutons...
Et l'amour en sa course.
L'amour dans une bulle,
Une bulle qui jamais ne se pose,
Accumule la honte qui repose
Aux sourds, aux cris de tulle.
Femme des reins, perce-la,
Hurle ta délivrance,
Femme d'airin, berce-la,
Berce-toi!
Je te berce ma mère,
je te berce mon frère,
Je berce nos enfants,
C'est grave et ce n'est rien:
Ce n'est rien de toi
Mais d'un autre,
Cette folie du corps
Quand le coeur n'y est plus.
L'autre s'est sali, lui
Quand plus rien ne compte,
Quand tout s'est évanoui.
Mais toi, tu sais encore
Le dire à essuyer,
Les toiles sans cesse
A démêler devant,
Nos moelles qui se dressent
A écouter le vent,
Mais lentement
Et sans pavoiser, l'un contre un autre.
Mais toi, tu sais encore
Le rire à essayer,
Les voiles de tendresse
A s'enrouler dedans,
Des étoiles d'allégresse
A exploser le temps,
Mais doucement,
A apprivoiser l'une après l'autre.
Mais toi, tu sauras encore
La vie à inventer
Et des joies de paresse
A s'enivrer le sang,
La vie ensemencée
Et des lois de grossesses
A parfumer l'enfant.
Ce n'est rien de toi
Mais d'un autre
Dont le coeur n'y est plus
Quand plus rien ne compte,
Quand tout s'est évanoui,
Mais l'amour en toi!
Laisse-le s'écouler
Comme la pluie pleure au ruisseau
Et le ruisseau aux océans amers.
Que tes larmes sèchent sous l'azur
Et retombent en pluie d'étoiles
Sur ta peau cicatrice,
Sur ton coeur à remplir,
Dans tes yeux à sourire
Et dans tes mains à aimer.
Nous nous embrasserons de brassées de mots en brassées de rires, de mots- baumes à guérir en mots beaux à pleurer de rire. Nous nous offrirons des mots à caresser, des mots à aimer, à nous aimer la vie, à nous aimer le temps, à nous aimer d'hier et d'aujourd'hui, à nous aimer d'ici et d'ailleurs, à nous aimer de la terre, du ciel ou du vent.
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Parfois, l'impuissance,
Je ne sais pas vraiment te dire le monde tel qu'il est.
Ce sont mes yeux qui sont tombés quand le père de Jemina s'est fait arrêter.
C'est ma couleur qui a changé quand Ahmed s'est défenestré.
C'est ma voix qui s'est fendue quand Cathy fut poignardée.
C'est ma foi qui a rendu sur tous les rebords du clergé.
Je ne sais pas dire le monde tel que je le rêve
Parce que je ne le rêve plus.
je ne sais pas quoi vous dire, mes enfants,
Sauf qu'il faut continuer à planter des arbres,
Et semer des graines d'envies,
Des grains de rire,
Et les rêves reviendront.
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