Il y a un sapin qui ne sent pas le sapin
Un sapin à la mode
Tout ce qui est à la mode perd-il donc son parfum?
C'est un sapin aux boules et guirlandes
Aux couleurs des neiges et des glaces
Un sapin de légende
Celles des grands froids
Il n'y a pas de lutin rouge
Melchior, Balthazar et Gaspard
N'y sont jamais arrivés cette année
Dans cette maison-là
Ils n'ont pas été invités
Pour la première fois
L'enfant Jésus n'y est pas né
Dans cette maison-là
Mais il y a un bon feu dans l'insert mural
Et un chat sphinx devant le feu
Le chat n'a pas peur du feu
Dans cette maison-là
Il y a des bosses au plafond
De la peinture qui craquelle
Et s'aquarelle
Un deux- corps art- déco un peu grand
Pour cette maison-là
Mais puisqu'il est beau
Il y a un buste grec en plâtre
Devant la fenêtre
Une dame qui n'a rien à faire là
Mais puisqu'on l'aime
Il y a des étoiles vertes sous le chat
Et sur le canapé
On pourrait imaginer
Qu'elles ont un parfum
Il y a une vieille télé
Toute neuve
C'est un rôle qu'elle joue
Il y a des livres
Qui se traînent ici et là.
Il y en a qui pleurent
D'autres qui ont froid
Il y a des films, des cassettes, des disques, des disquettes, des DVD, deux ordinateurs éteints et dépassées par les événements
Il y a 4 gastroentérites soudaines
Et une odeur maladive
Berk!
Il y a la mère, l'épouse, la belle-fille, la patiente, c'est-à-dire moi
Qui ne dort pas
Il y a moi qui ne sait pas quoi écrire
Il y a mes frissons que je jetterais bien dans mon écran
Mais et la contamination!
Il y a Blaise qui me regarde, un mégot dans son bec de poète
Des étoiles vertes sortent de son oreille
Parce que je l'ai décidé
Parce que je manque de lumière
De petits bateaux lui sont sortis de la bouche
Je crois bien qu'il a craché l'océan
Pour s'enfuir
Ou est-ce la mer?
Il y a ce cap
Bonne espérance
Parce que je l'ai décidé
Il y a moi qui écrit un peu n'importe quoi
Et ce n'est pas universel
Et je culpabilise
Mais au fond, tout- au- fond de moi
Il y a une petite étoile qui me dit
Et alors!
Tu écris
J'ai cueilli l'étoile du berger,
Et je l'ai foutu au feu,
Et je refuse d'y penser.
Peut-être que je vais en rire.
Il y a tous ces points de ponctuation
Qui reviennent me torturer
Ou me rassurer
Il y a le chat qui dort
Et mon oreille qui s'en va s'étendre sur son ventre
Il y a le chant du chat en moi
C'est une chatte
Elle m'offre sa plénitude
Elle n'exige par grand-chose
Que je l'admire
Quand elle fait sa toilette
Que je lui murmure du langage
N'importe lequel
Pourvu qu'il soit doux
Il y a une caisse noire
En plein milieu du salon.
On ne sait plus ce qu'il y a dedans.
Plus de points! Plus de points
Sinon qu'ils s'exclament!
Toutes ces caisses de déménagement
On s'assoit dessus.
Et puis, on s'endort parfois
Sur le ventre du chat.
Il est heureux.
On a écrit pas grand-chose
Et on s'endort dans cet antre
On est heureux
Et on enlève le point après heureux
Parce qu'on sait qu'un texte a toujours des échos
Des caches, des prolongements
Des directions infinies