Sous la chaleur d'un hiver

J'ai bu bien des merveilles
Et j'ai  même mangé jusqu'à leurs oreilles
J'ai vu bien des monstres,
Ceux qui ressortent aux yeux craintifs des pénombres
Et je les ai dévorés même jusqu'à mon fiel.
J'ai vu bien des pareils
Nus jusqu'aux squelettes de l'écriture
Baignant, baignés dans les vents de nos désinvoltures
Saignant, saignées sous les dents de nos dictatures

J'ai lu bien des lettres
Mues jusqu'aux alertes des destitutions
Celles qui nous pénètrent
Jusqu'aux pertes des institutions

J'ai connu bien des épousailles,
De celles faussées aux abois cruels
De celles qui déposent de la dentelle
Sur une peau nue et seulement fidèle
A l'innocence de ses vagues
De celles qui posent de la ficelle

Sur une peau crue et infidèle

Je connais bien des batailles

De celles menées aux lois infidèles
De celles qui déposent des feux de paille
Sur les rançons de leurs colères
Sur des peaux vues et bien trop belles
De celles qui posent des cadenas
Sur des peaux nues et non cruelles 

Je connais bien des guerres
De celle menée à mes entrailles
De celles menées pour leurs ripailles
Mais j'en connais toutes les failles
De celles bâties sur le tranchant des armes
De celles concues sur les arcanes de la haine
Sur des peaux nues et pourtant essentielles

J'ai suivi bien des semailles
Et je crois encore aux pousses des blés
Et je crois encore aux pousses des chants
De ceux plantés pour ouvrir tous les hurlevents,
Et je crois encore aux mousses des pierres
De celles qui recouvrent leurs accents coupants

Et je ne suis qu'un seul rail
Celui qui mène au voyage de la tendresse
Celui qui peine sous l'orage de la paresse
Mon rail jumeau qui déraille parfois
Sous l'usure de nos négligences

Et je ne paie qu'un seul bail
Celui qui oppose ses rires et ses rides
A nos vides existentiels
Et si j'en perds mon travail
J'ai signé un contrat définitif avec la vie