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       Le long d'un chemin de campagne limousine,  juste à l'entrée d'un hameau à moitié vidé de ses habitants, une rose rouge  s'épanouit près d'une vilaine ronce bardée d'épines.



La rose finit par s'en plaindre à sa voisine disgracieuse.



-Tu devrais aller planter tes racines plus loin.  Tu nous gâtes le paysage et comment puis-je attirer l'attention si tu étoffes tes branches dangereuses? Je suis désolée d'être si franche mais tu es laide et tu prends beaucoup trop de place.  Tu vas finir pas me froisser, voire déchirer ma belle robe rouge avec tes mains toutes griffues.



-Et bien, moi qui vous trouvais de bonne compagnie! Votre  mauvaise humeur est sans doute passagère. J'ai plus de piquants que vous certes et ma splendeur se fait attendre  mais patientez un peu. L'année prochaine, vous verrez, je vous promets une jolie floraison.



-Mon humeur est celle d'une rose ennuyée par une voisine qui fait si peu cas de sa personne et de la mienne. Quelle illusion ma pauvre de penser que tu puisses te métamorphoser! Une laideronne restera une laideronne malgré tous ses efforts. Tu es née ronce et moi rose et tu n'y pourras rien changer. Quel orgueil de vouloir m'égaler! Tu ne me convaincras pas! Tu devrais aller te cacher dans un coin.



-Ma chère voisine, c'est ici que je suis née et sans vous offenser, je suis un peu jeune pour voyager. J'ose espérer que vous reviendrez à de meilleures dispositions à mon égard.



-Mais pour qui se prend-elle la sotte pour oser me parler si effrontément! Ce qui me console, c'est qu'une âme charitable saura me secourir en lui donnant un jour un bon coup de sécateur.



La ronce jugea préférable de ne point répondre et s'affaira à protéger les passereaux qui avaient niché entre ses bras vigoureux.



-Quel raffut! se plaignait la rose à toute heure du jour. Tous ces oisillons sont insupportables et le va- et- vient incessant de leurs parents me donne le tournis et des migraines épouvantables.



-Mes épines leur évitent les chats et les gros oiseaux voraces, argumentait doucement la ronce et toute cette vie que je porte en moi, c'est merveilleux!


-Foutaise! s'emportait la rose. Je n'ai d'utilités que ma beauté et mon parfum et ce sont les plus belles qui soient. Ta générosité stupide te perdra.



Et quatre saisons passèrent ainsi entre la douce ronce et la rose grognon. La ronce avait bien profité et était devenu un arbrisseau robuste. Au moi de mai, elle fleurit la première et exhala un parfum subtil et champêtre  qui déplut à la rose.



Quand elle éclôt à son tour, elle ricana:



-Toutes ces fleurs blanches si minuscules sont ridicules et ton odeur est bien trop forte! Ce n'est pas la peine de  faire la fière! Tu n'égaleras jamais mon parfum délicat , celui qu'offrent les rois aux reines, le parfum préféré de tous les  humains qui ont du goût et de l'éducation, ni ma corolle fine et élégante, ni le velours soyeux de mes pétales et ni les rêves que je distille  dans le coeur des amoureux.



La ronce haussa les branches d'indignation et soupira. A ce moment-là, une fillette et sa mère sortirent du village et l'enfant s'écria:



-Oh! Maman, regarde! Ce si joli buisson!



-C'est de l'aubépine, ma chérie . Attention à ses épines qui protègent les oisillons dans leurs nids! On l'appelle  aussi bonnet de nuit car elle aide au sommeil sous forme de tisane et on dit que la foudre ne l'atteint jamais! Sens comme elle est parfumée!  Tiens! Une petite rose à côté. Un peu pâlichonne la pauvrette.



-Si tu la cueillais pour la mettre dans le soliflore que je t'ai offert pour ton anniversaire?



-Bonne idée! De toute façon, elle fait un peu seulette ici et puis elle ne durera pas bien longtemps.



La maman sortit un petit ciseau de son panier et coupa la rose d'un seul geste.



-Vous allez me manquer, lui chuchota l'aubépine.



-Pas toi! répondit la rose. Tu vois, c'est encore moi qui suis choisie.



-Hélas! Pas pour bien longtemps.  Vous allez finir votre vie dans un vase et au mieux, vos pétales desséchés vous survivront pour parfumer un pot quelconque. Je vous préférais les racines en terre mais je suis heureuse de vous avoir connue. Bonne chance!



La rose prit conscience soudain de sa fragilité liée à sa beauté et comprit que sa vie était sur le point de s'achever. Elle lança un dernier regard à l'aubépine et pour la première fois de son existence se dit qu'elle était bien jolie sous son air rustique et toute foisonnante de vies .



-Adieu! gémit-elle.



Et tandis que la mère et l'enfant s'éloignaient, l'aubépine, entre deux chants d'oiseaux crut entendre:



-Vous me manquerez aussi...

Tag(s) : #Textes en prose
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