Il y a une peur d'écrire parfois, la peur d'écrire vraiment, celle de bien écrire peut-être, et qui serait comme la création d'un gouffre dans lequel on se jetterait avec avidité.
Il y a des barrières encore auxquelles on se heurte, des murs dont on apporte les pierres une par une pour se construire une enceinte fermée. Il y a toutes ces bonnes raisons pour reculer et qui n'en sont pas. Il y a une peur de ce qu'on va découvrir, de ce qu'on va dévoiler peut-être. Il y a de ces déchirures qu'on raccommode avec de faux cils. Il y a de ces chemins inconnus aux senteurs étranges qu'on craint d'emprunter, de ces routes trop belles pour s'y risquer, de ces paysages mystérieux dans lesquels on a peur de se perdre pour n'en plus revenir. Et il y a cette petite force qui vous souffle à l'oreille, mais qu'attends-tu, la mort pour t'en délivrer? Et il y a cette haine de soie qui vous pousse dans le dos. A quoi bon! Pourquoi faire? Et comment?
Et il y a ce point de rupture, la rupture avec toutes ces fausses raisons, la rupture avec les autres, la rupture avec soi -même aussi, ce moment ou on se dit, ça y est. C'est maintenant. Et si j'échoue, au moins, j'aurai essayé. Et il y a ces textes cachés qu'il faudra bien ressortir, ces textes dont il faudra bien s'acquitter, ces textes auxquels il manque un envol, ceux-là même dont on brûle de se débarrasser, et alors peut-être, on écrira, j'écrirai. Et si tout cela n'est qu'illusion, qu'importe. Il y a de ces moments de grâce ou seules les illusions nous portent. Et plus j'en parle, et plus ma vie s'éclaire. Il y a une lumière de l'écriture peut-être, quelque soit notre écriture. Et il y a cet abandon. Aujourd'hui, je m'abandonne. Et il faudra être là pourtant, pour les siens. Savoir se laisser porter puis revenir, sans rien montrer de ses vides et de ses tempêtes.
Il y a cet exigence de l'écriture à laquelle je suis obligée de me contraindre, ce respect du lecteur qui grandit, cette envie de tout reconstruire, et ce plaisir de pénétrer dans son écriture puis d'en sortir, et cet espoir joyeux d'un achèvement, fût-il imaginaire.
Je vais me perdre pour me trouver, me perdre dans la nature et dans la mienne. Vous m'excuserez alors si je disparais. J'ai l'impression de me décomposer en feuillets incomplets et bâclés. Vos écritures, je reviendrai les lire, mais il me faut trouver la voix de la mienne. Elle ne chante plus, ni ne crie. Elle s'est perdue aux détours d'un faux printemps. J'ai besoin de me laisser glisser sur le toboggan de mes mots. je reviendrai, je crois. Et si je ne reviens pas, c'est peut-être que j'aurais retrouvé ma vie à défaut d'avoir trouvé mes mots.
je vous envoie une bise de mai, la plus douce et la plus légère, de celle dont on se rappelle en souriant.